• Nelly a 23 ans. Elle est étudiante aux beaux-arts, c'est une jeune femme énergique et généreuse, toujours à l'écoute, prête à rassurer et consoler ou à faire la fête jusqu'au bout de la nuit, du haut de son mètre soixante qui culmine en un épais paquets de dreadlocks rouges et folles. Nelly est l'incarnation même de la joie de vivre et de la bonté, elle est très aimée et très entourée, et sa gentillesse et son excentricité la font remarquer de tous.

    Il y a de ça un mois, Nelly passe devant la gare de sa petite ville de province, il est seulement neuf heures du soir, le quartier est rassurant et les passants nombreux. Elle a rendez-vous un peu plus haut avec un ami, elle s'arrête quelques instants sur les marches de pierre pour finir sa cigarette tranquillement, puisqu'elle est un peu en avance.

    Un homme l'accoste, jeune, il est mal rasé et ses vêtements déchirés sentent la saleté et la bière, mais Nelly a l'habitude de fréquenter des marginaux et sait s'en faire des amis. Elle donne donc avec un grand sourire une cigarette à l'homme qui la lui réclame, mais celui-ci, au lieu de prendre le batônnet que lui tend la jeune femme, la frappe violemment au visage et Nelly sent son arcade sourcilière craquer alors que des étoiles explosent devant ses yeux sonnés. Elle reprend conscience lorsque l'homme, grand et fort, la traîne, elle, petite et légère vers le parc voisin, à travers un long souterrain mal éclairé, et elle sait déja que personne ne l'aidera, car personne ne traîne en ces lieux après le coucher du soleil. Elle se demande alors ce qui va lui arriver et prie pour que l'homme ne la tue pas. Elle essaie de le raisonner, mais il la force à avancer devant lui en lui serrant le cou et en l'insultant. Nelly sent la force de son corps et sait que toute lutte est perdue d'avance, alors elle tente le tout pour le tout. Dès que l'étreinte se relâche elle se glisse hors des bras de l'homme et cours droit devant elle, en hurlant. Mais le voilà qui la rattrappe, elle tombe et lui tombe sur elle, et il la roue de coups, son visage est tout bleui et sanglant, son poignet droit provoque des élancements aigus dans tout son bras, et il la traîne sur le sol jusqu'à un bouquet de buisson, loin de toute lumière, et là il la viole, lui fait subir tous les outrages sans jamais cesser de la frapper, même alors qu'elle n'est plus consciente. Il lui brise les côtes et le bassin à coups de pieds, sa peau nue est arrachée un peu partout, sa chair tuméfiée a parfois éclaté sous les coups. Il est minuit, le monstre est repu. Nelly est depuis longtemps inconsciente, son corps devenu un étrange puzzle macabre et désordonné gît, sali à jamais sur le sol humide de la nuit. L'homme regarde, dégoûté, ce corps sans vie apparente qui le répugne à présent, et dans un dernier sursaut de rage, il la jette du haut du long escalier de pierre qui dévale la colline sur une dizaine de mètres.

    Le lendemain, une promeneuse matinale découvre le carnage, et lorsque les secours arrivent enfin, Nelly est vivante certes, mais à quel prix. Son corps démantibulé ne marchera plus jamais, et son esprit ne pourra jamais oublier cette nuit si longue.

    Le monstre a été arrêté il y a deux jours, après avoir raté de peu une autre victime. J'avais perdu de vue Nelly depuis quelques mois. Je ne suis pas sûre à présent que reprendre contact sera aussi simple...


    1 commentaire
  • L'air glacial fouette mon visage dès que je sors du cinéma, la nuit est noire et pure, sans le moindre rayon lunaire. Malgré mon manteau épais et mes gants douillets, le froid me transperce et je sens ma chair se hérisser douloureusement et mes yeux s'embuer au rythme du nuage de vapeur que j'exhale à chaque expiration. Je salue Tom et Layla, décline poliment leur offre de me raccompagner pour leur épargner un détour, les sentant pressés de se retrouver seuls. Lorsque je remonte la ruelle sombre qui mène à l'arrêt de bus, je réalise que je suis seule, nous avons traîné un peu avant de sortir du bâtiment et les autres spectateurs ont déja dû prendre le bus, je devrai attendre seule dans le noir, tant pis. A l'âffut du moindre bruit, un peu inquiète de ma situation - j'ai toujours eu une grosse tendance paranoïaque - je sursaute au moindre crissement de gravier et mes yeux s'écarquillent en larmoyant pour discerner les plus infimes mouvements dans la pénombre. J'arrive sur la plate forme où attendre le bus, le lieu est mal éclairé, quelques lampadaires fatigués distribuent parcimonieusement une lueur jaune vacillante qui peine à atteindre les recoins. Comme je le pensais, je suis seule, et probablement quitte pour une longue attente à cette heure avancée de la nuit. J'entre dans le cercle vaguement lumineux qui tremblote au centre de la plate forme et fais un tour sur moi même, tous sens en éveil afin de discerner une éventuelle menace tapie dans l'ombre: rien. Rassurée, je me tourne vers le panneau de plastique afin de consulter les horaires de la prochaine navette, j'ai hâte de rentrer dans le cocon chaud et rassurant de mon chez-moi. Je finis à peine mon mouvement pour me placer face au panneau quand je sens qu'on me ceinture par derrière, et qu'un bras se coince sous ma gorge, m'étouffant à moitié. Moi qui avait toujours cru que j'étais capable de me débattre un peu, je réalise que mon agresseur fait une bonne tête de plus que moi et que sa prise est ferme. Je jette quelques coups de pied au hasard derrière moi, essayant d'atteindre ses jambes, mais sans succès. Réalisant que je m'épuise à gigoter pour rien, je cesse tout mouvement et me met à hurler, en me demandant bêtement "oui mais hurler quoi? au secours? à l'aide? c'est ridicule quand même!". J'opte finalement pour un "au secours" beuglé de toutes mes forces, mais au bout de quelques cris je réalise avec angoisse - oui l'angoisse arrive quand on s'aperçoit qu'on ne sait plus quoi faire- je réalise donc que personne ne viendra m'aider, le quartier est à moitié desaffecté et par cette nuit glaciale qui peut bien se promener dehors? Je lâche mon sac, espérant sans trop y croire que l'homme se contentera de ce butin, mais évidemment non, je sens une lame froide remplacer sur ma jugulaire l'etau du bras, et je respire un peu plus malgré la bouffée de panique qui m'assaille. L'homme me manipule comme un pantin démantibulé à présent, il me retourne face à lui et je n'ose pas regarder son visage. Sa lame s'enfonce un plus plus dans la chair douce de mon cou tandis qu'il m'ordonne de baisser mon pantalon. Je suis absente, je ne suis plus dans ma tête, à présent je sais ce qui va se passer et je sais également que je ne peux plus l'empêcher. Je n'espère plus qu'une chose: que je vais m'en sortir vivante. Lentement, très lentement, le viol se déroule comme dans un cauchemar, mes yeux morts n'imprimant aucune des images que pourtant ils voient, je ne ressens qu'un immense froid en moi, je n'oppose aucune résistance, la lame m'entaille déja à chaque mouvement de l'homme. Lorsqu'il a fini il se rhabille, et m'obligeant à le regarder de la pointe de son arme, il sourit d'un air cruel, et m'intime l'ordre de lui remettre ma cart d'identité. Je m'exécute, le cerveau en compote, le corps gelé par la morsure du vent hivernal, alors que des idées se battent dans mon crâne pour essayer de comprendre où il veut en venir. Il me regarde de ses yeux perçants et range la carte dans sa poche ostensiblement, et ajoute de sa voix eraillée que je n'oublierai jamais "Ne dis rien, ne fais rien contre moi. Je sais qui tu es, où tu habites, je te tuerai, toi ou ta mere". Il me jette mon sac au visage et je m'effondre sur moi-même, le visage crispé, les yeux secs, les jambes pantelantes, cul nu sur le sol humide et boueux. Lorsque je rouvre les yeux il est parti, mais son odeur est sur moi, en moi, et je vomis pendant dix minutes. Lorsque mes pieds sont insensibles, engourdis par le froid, je ramasse mon sac et cherche en tatônnant de mes doigts raides mon téléphone. Je ne dirai jamais à personne exactement ce qui s'est passé cette nuit là.


    4 commentaires
  • La spire du temps s'enroule autour de moi, serpentin lugubre distordu par la fuite, et moi je tombe, je tombe... La cendre qui choit me brûle le menton et ma plainte sourde ne retient rien, ni les secondes qui coulent par la brêche béante, ni les rires lointains des êtres étranges qui peuplent ce monde. Mes yeux semblent travailler pour l'ennemi, me déroulant de longs visages hideux et ricanant, ou des tourbillons colorés à la fois immobiles et strident. Une face absurde, grande bouche sans dents se penche sur moi et me souffle son haleine souffrée au visage, en poussant de longs hullulements blessés que dans ma folie je prend pour des lamentations, et ses yeux tortueux versent des fluides lumineux qui coulent sur mes vêtements et brûlent ma peau, y creusant d'étranges symboles magiques et démoniaques.
    Mon corps s'est allongé, mes bras, de plusieurs dizaines de mètres traînent sur le sol, abimés, inutiles et je rassemble mes forces pour dresser ma carcasse qui gémit et ondule. L'étrange créature au masque flou m'attrape par la taille, là où un vide s'est creusé et ne réussit qu'à pincer un filet de chair. Les sons distordus se chevauchent telles une bande FM déchaînée et mon crâne tente de s'enfuir par mes trois orbites, creuses et câves. Le sol est à marée haute et la houle menace de me jeter bas mais néanmoins notre étrange équipage franchit la dernière porte. La dernière chose que je verrai ce soir sera le fond de la cuvette des toilettes, duquel un globicéphale m'adresse un clin d'oeil complice avant de replonger dans le magma jaune et visqueux qui lui sert de maison. Demain, c'est gueule de bois.

    4 commentaires
  •  

    Bon, faisons un point.

     

    .

     

    Ca, c'est fait.

    Plus sérieusement, je me doit de faire un point (non ça y es on l'a faite une fois, c'est bon) sur ma conception du couple. Oui parce que j'ai découvert ce matin avec désespoir (un ami proche) que j'ai une conception du couple, qui contient pleins de trucs aberrants tels que des "ça se fait pas" "c'est degoutant" et de "c'est comme ça qu'il faut faire".

    D'abord, aux dernières nouvelles, finalement je crois pas que je suis faite pour vivre en couple. Bon ça peut encore changer, on est pas à l'abri d'une dépèche AFP annonçant le contraire, mais je ne crois pas que cette impression soie dûe uniquement au fatalisme chatoyant qui m'anime, j'ai presque même l'impression que c'est une vérité qui éclate, avec un gros "plop" sonore et retentissant.

    Avant de parler d'une quelconque conception d'un quelconque couple, il faut se rendre compte d'un truc: le problème n'est pas la conception du couple en soi, mais plutôt le manque de cohérence entre les conceptions simultanées des différentes parties dudit couples. En plus simple et plus français, c'est très bien d'avoir une conception du couple, encore faut-il qu'elle soit la même que celle de votre moitié, ou du moins relativement proche. Car c'est là que le bât blesse, n'est-ce pas ?

    Il y a toujours dans cette entité speciale baptisée couple une personne qui attend quelque chose de l'autre. Or, personne ne doit rien à l'autre, et il ne faut certainement pas baser un sentiment amoureux sur l'idee d'un echange. Car d'echange il n'y a point, en réalité, pardon pour cette cruelle vérité. L'amour n'est qu'égocentrisme et égoisme, aimer c'est s'aimer, même si c'est dans un miroir déformant. Vous objecteriez avec raison que si on s'aime on peut envisager de se faire plaisir, et de chercher à se contenter, à se plaire. mais je n'en crois rien. Je crois que l'on s'enferme dans un orgueil présomptueux de personne "aimée", ce qui donne des droits et surtout pas des devoirs. Mais pour en revenir à cet idée d'attente de l'autre, je reste persuadée qu'on ne doit rien attendre de sa moitié, car c'est toujours quand on attend quelque chose qu'on est déçu. L'amour d'une personne, sa tendresse ne garantissent rien de plus, et rien pour longtemps. Il faut savoir se contenter de ces présents qui illuminent le quotidien sans réclamer son dû, car rien n'est dû. L'amour ne se troque pas, la passion n'achète rien et les baisers ne tintinabulent pas au fond des poches.

    Quand à la chair, ah! la chair est comme à son habitude étonnamment faible. Est-ce un malheur? Pas à mon goût. La chair n'est que de la chair, elle se suffit à elle même et tiens lieu de repas. Nous nourrissons nos ventre et nos esprits, pourquoi ne pas nourrir nos sexes? La tentation est humaine et je ne chasserai ni Adam ni Eve du paradis pour avoir voulu savoir un instant si il y a une vie après ce paradis. Bien sûr, il faut aussi savoir aimer la frustration, et l'accueillir avec humilité et une bonne bière. Céder au vil appel des sens, sans être une bassesse indigne n'est pour autant pas une gloire à vanter. Je prône en la matière une coupable indulgence tout autant qu'une mesure respectable, et j'en définis moi-même les termes en chiffres arabes avec ma moitié, afin de faire cohabiter sans trop de heurts nos conceptions du couple.

    En cela parfois je choque et j'indigne ceux là même qui sans le dire le penseront, mais soyez assurés de mon profond respect pour vos différentes conceptions. Et puis je n'évoque là qu'une certaine liberté que je vais m'empresser de réprimer dans la prochain paragraphe, pour faire bonne mesure.

    Car même si je tolère et accepte qu'un coup de bite s'égare (on l'a dit, la chair est faillible) (concerne aussi les femmes mais je ne trouve rien de plus poétique que "coup de bite"), il en va tout autrement pour la liaison extraconjugale, on pour le coup de bite volontaire. Je vous propose de départager le coup de bite égaré du coup de bite volontaire (car il est courant que la conception des couples joue sur les mots). Un malheureux pinailleur égaré n'a fait que souffrir des tourments du corps et à finalement cedé à l'appel du vice, torturé dans sa chair, on exclu là toute recherche volontaire d'une quelconque activité sexuelle. On peut presque le considérer comme une victime, le (la) pauvre bichon. Le coup de bite volontaire est déja plus méchant et difficile à supporter pour l'ego de l'autre moitié, car il suppose une recherche active, ou une attitude ouverte à toute proposition, et suggère par là une insatisfaction au sein du couple. En résumé, l'acte sans préméditation, fortuit, est moins engageant, et plus excusable.

    Reste la dernière catégorie, qui porte le nom pompeux de liaison extraconjugale. Dans ma conception personnelle, la liaison extraconjugale c'est un truc qui ne se fait pas, parce que boire ou conduire il faut choisir. Et là c'est pareil il faut choisir. On me fera pas croire qu'une relation extra-conjugale c'est de la chair pour la chair, d'ailleurs dans relation extra-conjugale il y a relation, et dans ma conception à moi que j'ai faite toute seule, on ne fait pas ménage à trois, ni à quatre, (ni plus non merci là bas au fond).

    Bien, je crois avoir exposé plus ou moins clairement une bonne partie de mes reflexions internes, c'est mieux rangé tout ça ça fait très dissertation, j'en suis émue tiens. Bien entendu tout cet étalage impudique ne vaut que pour moi, et tiens d'ailleurs ne vaut rien. Le lecteur averti n'y verras pas un amer constat, ni un reproche mal voilé, seulement une constatation en évolution constante, une réflexion destinée à calmer l'esprit agité qui en accouche.

     A vrai dire rien ici ne m'attriste, car tout ceci n'est rien, comparé au style.


    7 commentaires
  • Puisque ce que je cherche n'existe pas, alors pourquoi m'obstiner? Je crèverai de me cogner la tête dans la mur, à moins qu'un jour j'arrive à le faire tomber. Ca vaut certainement mieux que de me laisser mourir assise par terre en le regardant. Certainement.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique