• L'air glacial fouette mon visage dès que je sors du cinéma, la nuit est noire et pure, sans le moindre rayon lunaire. Malgré mon manteau épais et mes gants douillets, le froid me transperce et je sens ma chair se hérisser douloureusement et mes yeux s'embuer au rythme du nuage de vapeur que j'exhale à chaque expiration. Je salue Tom et Layla, décline poliment leur offre de me raccompagner pour leur épargner un détour, les sentant pressés de se retrouver seuls. Lorsque je remonte la ruelle sombre qui mène à l'arrêt de bus, je réalise que je suis seule, nous avons traîné un peu avant de sortir du bâtiment et les autres spectateurs ont déja dû prendre le bus, je devrai attendre seule dans le noir, tant pis. A l'âffut du moindre bruit, un peu inquiète de ma situation - j'ai toujours eu une grosse tendance paranoïaque - je sursaute au moindre crissement de gravier et mes yeux s'écarquillent en larmoyant pour discerner les plus infimes mouvements dans la pénombre. J'arrive sur la plate forme où attendre le bus, le lieu est mal éclairé, quelques lampadaires fatigués distribuent parcimonieusement une lueur jaune vacillante qui peine à atteindre les recoins. Comme je le pensais, je suis seule, et probablement quitte pour une longue attente à cette heure avancée de la nuit. J'entre dans le cercle vaguement lumineux qui tremblote au centre de la plate forme et fais un tour sur moi même, tous sens en éveil afin de discerner une éventuelle menace tapie dans l'ombre: rien. Rassurée, je me tourne vers le panneau de plastique afin de consulter les horaires de la prochaine navette, j'ai hâte de rentrer dans le cocon chaud et rassurant de mon chez-moi. Je finis à peine mon mouvement pour me placer face au panneau quand je sens qu'on me ceinture par derrière, et qu'un bras se coince sous ma gorge, m'étouffant à moitié. Moi qui avait toujours cru que j'étais capable de me débattre un peu, je réalise que mon agresseur fait une bonne tête de plus que moi et que sa prise est ferme. Je jette quelques coups de pied au hasard derrière moi, essayant d'atteindre ses jambes, mais sans succès. Réalisant que je m'épuise à gigoter pour rien, je cesse tout mouvement et me met à hurler, en me demandant bêtement "oui mais hurler quoi? au secours? à l'aide? c'est ridicule quand même!". J'opte finalement pour un "au secours" beuglé de toutes mes forces, mais au bout de quelques cris je réalise avec angoisse - oui l'angoisse arrive quand on s'aperçoit qu'on ne sait plus quoi faire- je réalise donc que personne ne viendra m'aider, le quartier est à moitié desaffecté et par cette nuit glaciale qui peut bien se promener dehors? Je lâche mon sac, espérant sans trop y croire que l'homme se contentera de ce butin, mais évidemment non, je sens une lame froide remplacer sur ma jugulaire l'etau du bras, et je respire un peu plus malgré la bouffée de panique qui m'assaille. L'homme me manipule comme un pantin démantibulé à présent, il me retourne face à lui et je n'ose pas regarder son visage. Sa lame s'enfonce un plus plus dans la chair douce de mon cou tandis qu'il m'ordonne de baisser mon pantalon. Je suis absente, je ne suis plus dans ma tête, à présent je sais ce qui va se passer et je sais également que je ne peux plus l'empêcher. Je n'espère plus qu'une chose: que je vais m'en sortir vivante. Lentement, très lentement, le viol se déroule comme dans un cauchemar, mes yeux morts n'imprimant aucune des images que pourtant ils voient, je ne ressens qu'un immense froid en moi, je n'oppose aucune résistance, la lame m'entaille déja à chaque mouvement de l'homme. Lorsqu'il a fini il se rhabille, et m'obligeant à le regarder de la pointe de son arme, il sourit d'un air cruel, et m'intime l'ordre de lui remettre ma cart d'identité. Je m'exécute, le cerveau en compote, le corps gelé par la morsure du vent hivernal, alors que des idées se battent dans mon crâne pour essayer de comprendre où il veut en venir. Il me regarde de ses yeux perçants et range la carte dans sa poche ostensiblement, et ajoute de sa voix eraillée que je n'oublierai jamais "Ne dis rien, ne fais rien contre moi. Je sais qui tu es, où tu habites, je te tuerai, toi ou ta mere". Il me jette mon sac au visage et je m'effondre sur moi-même, le visage crispé, les yeux secs, les jambes pantelantes, cul nu sur le sol humide et boueux. Lorsque je rouvre les yeux il est parti, mais son odeur est sur moi, en moi, et je vomis pendant dix minutes. Lorsque mes pieds sont insensibles, engourdis par le froid, je ramasse mon sac et cherche en tatônnant de mes doigts raides mon téléphone. Je ne dirai jamais à personne exactement ce qui s'est passé cette nuit là.


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  • La spire du temps s'enroule autour de moi, serpentin lugubre distordu par la fuite, et moi je tombe, je tombe... La cendre qui choit me brûle le menton et ma plainte sourde ne retient rien, ni les secondes qui coulent par la brêche béante, ni les rires lointains des êtres étranges qui peuplent ce monde. Mes yeux semblent travailler pour l'ennemi, me déroulant de longs visages hideux et ricanant, ou des tourbillons colorés à la fois immobiles et strident. Une face absurde, grande bouche sans dents se penche sur moi et me souffle son haleine souffrée au visage, en poussant de longs hullulements blessés que dans ma folie je prend pour des lamentations, et ses yeux tortueux versent des fluides lumineux qui coulent sur mes vêtements et brûlent ma peau, y creusant d'étranges symboles magiques et démoniaques.
    Mon corps s'est allongé, mes bras, de plusieurs dizaines de mètres traînent sur le sol, abimés, inutiles et je rassemble mes forces pour dresser ma carcasse qui gémit et ondule. L'étrange créature au masque flou m'attrape par la taille, là où un vide s'est creusé et ne réussit qu'à pincer un filet de chair. Les sons distordus se chevauchent telles une bande FM déchaînée et mon crâne tente de s'enfuir par mes trois orbites, creuses et câves. Le sol est à marée haute et la houle menace de me jeter bas mais néanmoins notre étrange équipage franchit la dernière porte. La dernière chose que je verrai ce soir sera le fond de la cuvette des toilettes, duquel un globicéphale m'adresse un clin d'oeil complice avant de replonger dans le magma jaune et visqueux qui lui sert de maison. Demain, c'est gueule de bois.

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  • Bah voilà, après 1 mois et demi de turpitudes bloggestres, j'ai une panne d'erect... euh, d'inspiration. Dès que j'aurai réussi à me procurer du Blogra je reviens.

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  • Je regarde le jour qui décline à travers le verre étoilé de la fenêtre. Un pigeon s'est écrasé violemment sur le carreau ce matin, et les sillons iridescents qui courent le long du verre sont légèrement teintés de rouge, funeste étoile glacée qui renferme en son coeur le sang vermillon de l'oiseau mort.

    Le café dans ma main de refroidit tandis que les cendres de ma cigarette tombent une à une sur le parquet, comme une fine neige grisâtre.

    Je me pelotonne sur le canapé, une couverture étalée sur mes genoux et me plonge dans mon bouquin, en attendant que Lurp rentre.

    Les minutes s'écoulent sans que je m'en aperçoivent, plongée que je suis dans mon monde onirique et il fait nuit lorsque le bruit de la clé dans la serrure me fait sursauter. Lurp entre, marque un temps d'arrêt, sans doute surpris par le silence nocturne de la pièce, puis referme la porte derrière lui. Nos deux cigarettes sont des points lumineux dans la nuit, et nous nous approchons l'un de l'autre à tâtons, uniquement guidés par les phares rougeoyants. Je sens sa main se poser sur mon bras, et remonter jusqu'à mon cou, palpant le terrain, et je l'arrête subitement. Son pull porte l'odeur prononcée et envoutante d'un parfum féminin, capiteux et sensuel.

    Dans mon cerveau se construit l'image de cette femme, constituée de morceaux d'effluves... elle doit être belle, d'une beauté de madone, le visage grave mais serein, son corps est probablement long et souple, doux, avec des hanches et une poitrine d'odalisque, toute en courbes et en féminité. je peux presque sentir sa peau satinée, la dentelle qui pare ses rondeurs, ses cheveux qui dégagent le même parfum envoûtant à chaque mouvement. La femme qui porte un parfum aussi suave et entêtant ne peut qu'être la sensualité incarnée.

    Et Lurp, qui tente de forcer ma main, qui veut me caresser le visage, qui cherche mes lèvres... Sa bouche, qui sent l'intimité d'une autre force mes lèvres à s'entrouvrir, sa peau est imprégnée d'elle, de cette odeur, de cette différence qui m'écoeure et m'attire à la fois. C'est elle que je veux à travers lui, c'est elle que je touche quand mes mains soulèvent la chemise et se pose sur le torse, s'attendant presque à y trouver du volume, de la douceur, une peau douce et sucrée, brûlante et tendue. Mais sur sa peau à lui, leurs odeurs mêlées, leurs sueurs et leurs fluides mélangés, lui donnent le goût de la trahison, de la luxure, de la bête. Alors je fond sur lui, je dévore son corps, je le possède, je le dompte, et je ferai mieux qu'Elle.


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  • mmm

    "- et sinon ton blog? faudra que tu me redonnes l'adresse, je l'ai paumée et j'avais pas eu le temps d'aller voir...

    - mfffp...

    - non parce que ça me ferait bien rigoler d'aller voir ce que tu racontes dessus, si ça se trouve tu parles de moi

    - mmm

    - moi aussi j'aimerais bien faire un blog, mais j'ai pas le temps...

    - mmm?

    - pis je suis pas sure que j'aurais des trucs à y dire.

    - ah bah ça, on est jamais surs. "


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