• Ne Gentem

    Je me suis perdue de vue (le premier qui fait un jeu de mot à base de Jacques Pradel se prend une mandale virtuelle, c'est sérieux ici bordel), je disais donc je me suis perdue de vue. En revanche si l'un de vous me retrouve, qu'il n'hésite pas à me rendre à moi-même. C'est si étrange, ma tête n'est pas si grande que mes idées s'y sont noyées, dans le précieux liquide céphalo-rachidien, dissoutes et dissolues elles serpentent à présent, vagues reliques de ce que je fût, ombres qui plane sur le reste, juste assez pour qu'on ne puisse les oublier (ce qui serait probablement la seule façon de les faire disparaître pour de bon) mais trop ethérées à présent pour être utilisées.

    Bien sûr, je l'ai cherché. On ne peut pas impunément jouer au savant fou avec quelque chose d'aussi sérieux et inutile que le contenu d'un être humain, le contenu immatériel bien sûr. J'ai voulu m'opérer, me mutiler, refaire les connexions dans d'autres sens pour aboutir à d'autres choses, j'ai pincé dans les forceps sans délicatesse mes valeurs les plus intimes afin de les plier à mon idée, j'ai injecté à grand coups de seringue hypodermiques des pensées étrangères dans les circonvolutions peu râgoutantes du cervelet, j'ai même taté du scalpel mes convictions et mon caractère afin de les retailler comme sur le modèle. "Bonjour je voudrais le cerveau de Kant", ai-je demandé à mon chirurgien en entrant d'un pas décidé dans le cabinet. Mais le chirurgien, qui n'était autre que moi-même habilement planqué sous un masque de papier - ce filou en a profité pour faire de moi sa créature, son cobaye, a qui il a infligé sa propre loi et ses envies furieuses. Je pense qu'il m'avait reconnue, malgré ma perruque et mes bottes de sept lieues. Néanmoins je suis dans de sales draps maintenant, tiraillée entre ce que je fût et ce que je faillis devenir, je ne suis plus rien, ou alors je ne le sais pas... Je suis anonyme à moi-même, n'est-ce point déroutant? Je suis bien punie d'avoir naïvement, dans ma folie, pensé que je pourrais devenir ce que je voulais être à la seule force de mon esprit, car j'ai tenté de changer l'or en plomb, c'est la victoire de la réalité sur la passion, et je me suis brulé les ailes de la raison à vouloir maîtriser et dominer mes sentiments, à l'utopiste. Désormais la folie douce qui m'irrigue s'empare du vide, car c'est bien un vide, lorsque l'être décide en son for intérieur de s'effacer, de s'estomper afin de ne plus se nuire. Finalement dois-je me désoler de n'avoir pas atteint mon affreux but? Car tout est bien plus doux et fragile à présent, comme je me débat dans l'incertitude molle de mes opinions, et il ne me reste qu'à éradiquer la conscience pour sombrer dans la béatitude la plus totale et ainsi échapper aux tourments de ce que je suis, et de ce que je veux être, qui ne sont pas la même personne. Alors j'aurai peut-être réussi. Alors, je pourrai recommencer à écrire ici, de façon plus limpide.

    Et même le style n'y pourra rien.


  • Commentaires

    1
    Lledelwin
    Lundi 22 Novembre 2004 à 17:53
    Envieuse
    J'admire de quelle façon tu décris la dualité qui t'anime et que, je pense, tu es loin d'être seule à ressentir, entre ce que tu es profondément, et ce que tu voudrais être, entre les valeurs que tu crois devoir acquérir, et celle qui te crient dans le creux de l'oreil "tu te trompe de route, tu te trompe, tu ne me trompe pas". Je suis jalouse, moi qui ne sais écrire que lorsque je trompe ma vigilance, en retenant contre son grés les phrases assemblée loin de mon clavier, et qui me fuient désespérement lorsque je suis devant
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :