• Moi, Lestat.

    L'automne arrive et je vais pouvoir enfin porter de nouveaux des gants sans éveiller aucune suspicion, ceci de manière à éviter que l'on regarde avec un air de dégoût les moignons qui me servent de mains. L'autre jour Elo, dont j'avais entendue parler mais que je voyais pour la première fois m'a demandé en ricanant "T'as la lèpre?". Belle entrée en matière.
    Je crois que la seule personne qui pose un regard franc et comprehensif sur mes plaies est Lurp, et c'est une chose pour laquelle je lui suis extrêmement reconnaissante. La vue de mes doigts rongés aux sangs et des lambeaux de chair rougies pelant mes extrémités à poussé très tôt mes parents à me déclarer folle, et j'ai toute ma vie dû résister à l'envie folle de coller des beignes aux bien-pensant qui me tapaient gentiment les doigts en me disant "tsss, arrête". J'ai plus tard redécouvert la même sensation envers ces messieurs-dames "tu devrais arrêter de fumer". Entre ce qu'on devrait faire et ce qu'on est capable de faire , entre nous, y'a un océan et pas des moindres.
    Evidemment mes mains ne sont que le symptôme le plus visible de mon autophagie, et je suis obligée d'avouer que je me délecte de cette sale manie, qui ne blesse que moi et pas de façon très conséquentes. C'est moche, soit, encore que je trouve un interêt esthétique non négligeable aux cicatrices que je façonne volontiers sur mon corps, mais si on devait cacher tout ce qui est moche, je ne laisserais que mes mains à la maison, tandis que d'autres seraient cloîtrés.
    Je ne vais pas loin dans l'art de l'automutilation, si l'on considère que je ne recours à aucun instrument autre que mes griffes et mes dents, et si l'on accepte évidemment de considérer comme un art les décorations corporelles. Néanmoins j'avoue souffrir plus que je le voudrais de mes ongles rognés jusqu'à la chair, mais j'y remédie failement en enturbannant les extrémités trop sensibles dans des kilomètres de sparadrap, ce qui me permet de retrouver une activité digitale normale, même si la sensation d'avoir des doigts énormes perturbe mon éloquence au clavier.
    A ma décharge, je ne me blesse pas réellement, je ne fais qu'entretenir et creuser les plaies déja existantes, et certaines remontent à tellement longtemps que je ne me souviens plus des circonstances de leur apparition.
    Depuis quelques temps je profite du fait que notre chaton aime à jouer avec nos mains, et chacune de ses petites griffures et à présent une grande balaffre qui court sur ma main ou mon avant-bras, long cratere aux bords boursoufflés et à la chair rouge et lisse, qui tend à devenir violet quand enfin je la laisse en paix.
    Evidemment, l'exposition permanente des mains tend à les désigner comme victimes principales de ma compulsivité, mais je pousse le vice jusqu'à laisser accessible toute partie de mon anatomie porteuse d'un léger mal, afin de pouvoir à tout moment et souvent sans même en avoir conscience m'y attaquer, de mes ongles déchiquetés, quitte à m'aider d'une pince à épiler, et mes jambes viennent donc en second sur la liste des disparus au combat.
    Je n'échappe pas aux retombées désagréables telles que les taches de sang frais sur les vêtements, les gouttes rouges qui perlent au bout des doigts, laissant des traces brûnatres peu râgoutantes sur les objets manipulés, mais finalement, rein de comparable au délice que procure l'arrachage d'une croûte bien sèche et de belle taille, ou avec la satisfaction de découvrir dans le tas un doigt presque intact, avec juste un morceau de chair qui depasse, un peu comme la lanquette du Flamby. Rassurez-vous, je n'espère pas vous convaincrede faire de même, j'aspire juste à un peu de tranquilité quand je me dévore, car c'est un moment de fête pour moi.
    Après tout, tant que je ne me rue pas sur vos mains afin de mordre à pleine dents dans vos chairs molles et blanches, je ne suis qu'un autovampire. Vite, un patch à l'ail!

  • Commentaires

    1
    Ange
    Lundi 4 Octobre 2004 à 09:26
    Ouille...
    Et moi qui pleurniche quand je me casse un ongle ! Sans rire, tu as une conscience de toi, une lucidité à ton égard, qui m'impressionne.
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    2
    Maitresse des lieux
    Mercredi 6 Octobre 2004 à 10:59
    Théorème
    Le végétarisme mène au canibalisme. Ou à Rome, comme tout le monde...
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