• As Tears Go By

    J'entre dans la pièce enfumée, Dionne sur mes talons, et j'aperçois immédiatement Lurp vautré dans un canapé entre deux jolies blondes qui le regardent d'un air fasciné. Lui ne me voit pas, approche sa bière de ses lèvres avec un sourire charmeur que je connais bien, ses yeux voilés de volutes de fumée qui s'élèvent paresseusement vers le plafond. Blonde numéro 1 se rapproche de quelques centimètres, l'air de rien, et tend son décolleté vers mon homme qui s'y noie aussi sec. Blonde numéro 2 rigole bêtement, il faut bien se faire remarquer, et le coup du decolleté est déja pris.

    Je me dirige vers la cuisine, et tend une oreille distraite vers Dionne qui énumère les divergences de je ne sais quels politiciens est-allemands.

    Kat est assis à la table des joueurs de carte, et la somme qui trône au milieu de la table laisse à penser que certains repartiront sans chemise au petit matin. J'embrasse Kat et lui tend la bouteille de Zubrowska que j'ai ammené, et me sers un Martini. Je quitte les joueurs sur un sourire d'encouragement et me retrouve de nouveau dans la brume moite de sueur du salon.

    Au milieu de la pièce deux jeunes filles qu'on dirait à peines pubères dansent langoureusement collées, et un petit cercle de mâles en rut s'est formé autour d'elles, dans l'espoir sans doute d'assister à un spectacle torride lesbien. D'autres couples moins tape-à-l'oeil se tremoussent plus ou moins élegamment, et la pièce entière est impregnée de cette odeur d'alcool douceâtre et entêtante. Plusieurs canapés sont occupés par des duos salivaires, dont certains sont des trios avec un nombre insensé de mains qui caressent et pelotent gaiement. Je cherche desespérément du regard un cendrier, et mes yeux s'attardent de nouveau sur le fond de la pièce, où Lurp est toujours en pleine opération séduction, une main dans les cheveux de blonde numéro 1 et l'autre sur sa clope. Lurp a beaucoup de charme et sait parfaitement comment s'en servir, et je ne doute pas un seul instant que sa proie soit conquise. Je sais également que lui seul décidera de la limite, jusqu'où ira-t-il avec elle, je ne peux le deviner et elle non plus. J'ai du le dévisager avec insistance car cette fois-ci Lurp m'a vu, il a tourné son regard étrangement sombre vers moi et si l'expression de son visage est toujours rieuse et détendue, ses yeux se sont fait froids et inquisiteurs, sans la moinder nuance de culpabilité ou d'excuse. Je hausse les épaules et me détourne, je ne rentrerai pas dans son jeu. Vis ta vie mec, je m'en cogne.

    Quelque part dans l'atmosphère tamisée de mon champ de vision apparaît Soumir, le bienfaiteur au cendrier qui cueille ma cendre emportée par la pesanteur, et qui me prend dans ses bras pour me faire valser, amuse-toi jolie poupée. Je me laisse prendre au jeu, et bientôt Soumir et moi sommes deux corps tendus et fiévreux, et Soumir quete dans mon regard l'approbation ultime. Je sors un pilulier de ma poche et avale un rohypnol, lui en propose un, et le guide jusqu'à la salle de bain. Un coup d'oeil par dessus mon épaule, Lurp ne prête plus aucune attention à nous.

    Soumir me plaque contre le carrelage froid du mur, je sens son impatience et je deboutonne son jean a toute allure, m'ecorchant les doigts sur les boutons. Lorsque, un peu plus tard, je le sens en moi, les larmes se mettent enfin à couler sur mon visage, à rouler dans les plis de ma bouche, je sens leur goût salé et les coups de bassin de l'homme qui me possède, et je me sens affreusement triste.

    Soumir me nettoie et me rhabille, comme il ferait d'une poupée de chiffon. Puis il m'allume une clope qu'il me coince d'autorité dans la bouche, et m'administre un petit coktail d'amphets dans l'espoir de me remettre d'applomb. Le résultat ne se fait pas attendre. Je me lève et lui claque une bise sur la joue, et les yeux brillants, je met de nouveau le cap sur la pièce principale, dont les sons étouffés me parviennent, chargés de relents d'alcool et de drogues.

    Je fonce jusqu'au canapé cramoisi qui abrite les roucoulades de Lurp, m'assied directement sur ses genoux sous les yeux médusés de blonde numéro 1, et lui chuchote à l'oreille:

    "Je t'aime. On s'en va?". Ses yeux me répondent: "Avec plaisir".


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :